visite en nacelle du gouffre de proumeyssac

La “réclame“ -comme on disait alors- prend le relais et assure la promotion du gouffre par des articles détaillés :

“Nous sommes heureux d’apprendre que le gouffre de Proumeyssac est de plus en plus fréquenté. Grâce à la nouvelle installation qu’y ont établi les propriétaires, la descente s’opère en toute sécurité et c’est de toutes les parties du monde que les touristes viennent visiter cet immense abîme qui fait l’admiration de tous (...). On y descend au moyen d’un ascenseur et quatre personnes trouvent place dans la nacelle. Après avoir franchi une épaisse couche de rochers, l’ascenseur arrive comme au centre d’une immense cathédrale éclairée à l’acétylène. Le dôme en est majestueux et de toutes parts brillent des stalactites et des stalagmites d’une éclatante blancheur. C’est une demeure quasi sépulcrale où le silence n’est troublé que par le bruit monotone des cascatelles dont l’eau pure comme le cristal se perd dans d’autres gouffres plus profonds encore. La nature semble avoir prodigué là toutes ses faveurs et ce qu’on peut dire de ce lieu est bien au-dessous de la réalité. Pour s’en faire une idée exacte, il faut le voir“. (Aujourd’hui, nous ne pourrions que répéter ces dernières phrases !).

Le gouffre -qui s’étendait sous les propriétés de MM. Francès et Soulié- ainsi que le matériel d’exploitation, constituaient l’apport de ces derniers dans la société civile établie entre les sieurs Galou, Francès et Soulié, par acte passé devant Maître Castinel, notaire au Bugue, le 21 mai 1907.

Une vente par licitation du droit d’exploiter le gouffre jusqu’au 21 mai 1957 fut mise en adjudication aux enchères publiques, en l’étude de Maître Castinel, le 20 février 1910. Ainsi structurée sur de nouvelles bases, la société d’exploitation augmente le nombre de visites journalières, interrompues seulement par la guerre de 1914-1918. Mais ce n’est qu’à partir de 1924 que le tourisme souterrain à Proumeyssac prend réellement son essor. Dans une plaquette éditée en 1925, accompagnant un lot de cartes postales, Jean Vézère, poète buguois, relate ainsi les visites.

“Grâce aux travaux et aux sacrifices de MM. Soulié et Francès, la descente dans le gouffre n’offre aujourd’hui aucun danger, et cette exploration, autrefois si périlleuse, est devenue une partie de plaisir. On peut arriver en voiture et en automobile jusqu’à son orifice. Un treuil, solidement et bien conditionné, permet de descendre dans l’abîme de façon aussi sûre que commode. L’électricité a remplacé les éclairages de fortune du début, et répand sur les parois de ce précipice, où nos pères voyaient une bouche de l’enfer, des flots de laiteuse clarté.nacelle gouffre de proumeyssac

Proumeyssac reçoit, pendant la belle saison, des milliers et des milliers de visiteurs. Trois par trois, les touristes prennent place dans la benne qui lentement s’enfonce le long d’un puits étroit et sombre. Bientôt on ne voit plus au-dessus de soi qu’un petit rond d’azur. Puis, à une dizaine de mètres au-dessous de l’orifice, les parois s’élargissent brusquement ; une lumière illumine une grandiose cavité souterraine où d’innombrables stalactites, en forme de lustres, de cierges et de colonnes, semblent le décor le plus prestigieux d’une cathédrale de rêve, d’un palais féerique, sculpté dans le marbre, taillé dans l’albâtre ou le cristal. La benne touche le fond (50 mètres), et les touristes suivent le guide à travers les couloirs et les galeries, évidées naturellement, dans la calcite éclatante de blancheur“.

Partie de plaisir ? Sans aucun doute ; mais agrémentée certainement de bien des peurs et des frissons car la benne était actionnée par un treuil autour duquel tournait un cheval. Certains parlent même d’un âne, d’autres d’une mule ! Peu importe : c’était réellement une aventure ; et il vous est facile, de toute façon, d’imaginer les à-coups, les arrêts (!) au milieu de l’à-pic, correspondant aux humeurs de l’animal ou à ses préoccupations immédiates. Et tout ceci aussitôt répercuté en cris par les passagers de la benne. L’électricité étant, elle aussi, d’installation précaire, il était fréquent que le voyage s’effectue, partiellement... dans le noir ! Visite inoubliable ? Absolument garantie !

Quelques années plus tard, l’insécurité d’abord, la guerre de 1939-1945 ensuite, mirent fin à ces visites épiques. Le gouffre retombait dans l’oubli pour quelques années.

L’après-guerre voit la reprise du tourisme. Le Syndicat d’Initiative qui a été reconstitué et placé sous la présidence du dynamique et dévoué Marcel Maufrangeas, décide d’exploiter à nouveau Proumeyssac. En 1949, un conseil d’administration est formé, et en 1950, M. l’Ingénieur Chamine, directeur de la mine de lignite de Simeyrols, présente un projet : six millions de francs sont nécessaires. Ils seront rapidement recueillis et le 6 août 1950, le gouffre est à nouveau ouvert au public au cours d’une mémorable journée d’inauguration. Un ascenseur confortable, composé de deux cabines pouvant contenir chacune six personnes, a remplacé la vieille benne ; un groupe électrogène a pris la place de l’âne et les visiteurs affluent... En moins d’un mois, on enregistrait 5 000 descentes.

Mais Proumeyssac fait également l’objet de plusieurs visites du plus célèbre des spéléologues et la presse ne manque pas de répercuter ses commentaires : “Le gouffre de Proumeyssac est le seul de France et même, à ma connaissance, d’Europe, où l’on accède jusqu’au fond sans descendre une seule marche ou sans emprunter un tunnel artificiel d’accès. En effet, ici, le visiteur descend sans fatigue dans un ascenseur, hardiment suspendu dans le vide, qui débouche soudain dans le haut de la voûte en nef de cathédrale. La visite est, de ce fait, très originale et impressionnante, comme est tout à fait remarquable la décoration interne de cette splendide cavité. Le gouffre de Proumeyssac offre une profusion et une variété de stalactites, stalagmites et de draperies très pures et translucides qui en font un des plus beaux fleurons de la France souterraine“. Hélas ! En 1952 tout est remis en cause. L’ascenseur “hardiment suspendu dans le vide“ étant jugé dangereux par l’agence Veritas, le gouffre est de nouveau fermé plusieurs années. Un procès oppose d’ailleurs l’entrepreneur qui a réalisé les travaux, au conseil d’administration. En attendant le verdict, le matériel litigieux doit rester en place dans la cavité.

Beaucoup renonceraient, totalement découragés. Ce n’est pas le cas du persévérant Marcel Maufrangeas. En 1956, au cours d’une réunion à laquelle assiste Robert de Joly -autre spéléologue célèbre qui a, à son actif plusieurs aménagements touristiques de cavités- celui-ci conseille le percement d’un tunnel. Cette solution est adoptée, et malgré sceptiques et détracteurs, les travaux vont aller bon train.