visite en nacelle du gouffre de proumeyssac
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Auréolé de cette légendaire mais tenace renommée, le trou de Promeissat, “duquel des personnes dignes de foi et vivant encore (1802), ont plusieurs fois vu sortir des flammes“, ne suscitait guère de vocations d’explorateurs... Vers 1755, pourtant, un intrépide habitant de cette contrée eut cependant assez de témérité pour vouloir affronter le gouffre et sonder cet abîmes.
“Il s’y fit descendre dans une hotte, attachée avec des cordes, après avoir eu la précaution de placer à l’entrée une sonnette dont il tenait en main le cordon ; mais arrivé à une médiocre profondeur, il se fit remonter, et rapporta qu’il avait aperçu de grandes cavités d’où il s’exhalait une vapeur étouffante qui ne permettait pas de descendre plus bas“.

De plus le lieu jouissait d’une autre renommée plus macabre : celle de faire disparaître fort aisément les cadavres des voyageurs détroussés et assassinés dans les environs : situation idéale de ce trou, jouxtant ce qui était alors la grande route allantde Sarlat à Bergerac, et fréquentée par les diligences. En 1778, le mercredi 29 avril, François de Paule Latapie, inspecteur des manufactures écrit dans son “journal des tournées“ :

histoire gouffre proumeyssac “A 1 demie-lieue du Bugue, au sud-est, sur un tertre* (butte, monticule. En Occitanie = coteau.) élevé, il y a un trou, fameux dans le pays par la quantité de personnes qui y ont péri, les unes par accident, les autres volontairement. On l’appelle le trou de Proumeyssac.

Son entrée est une espèce d’ovale évasé par ses bords et d’environ huit pieds de diamètre dans sa grande longueur. Il s’élargit en s’enfonçant, et de telle manière qu’il paraît que le fond est une vaste caverne qui communique à des grottes latérales, peut être fort étendues, de droite à gauche. En jetant de la paille enflammée qui a achevé de brûler au fond, et à diverses reprises, j’ai vu sensiblement la base de ce trou, mais il est couvert de cailloux qu’on y a jetés. On entend sensiblement, en prêtant l’oreille au bord du trou, le murmure du ruisseau qui coule vraisemblablement dans la direction de l’ouest et va se jeter dans la Dordogne. Les gros cailloux que nous avons jetés au fond, M. Pélissier et moi, ont employé cinq battements d’artère avant d’arriver sur le rocher, ce que j’estime quatre secondes : ainsi la profondeur serait un peu moindre de deux cents pieds. Le bruit que fait le caillou sur ces rochers, résonne en écho dans les grottes collatérales. Ce trou, comme je l’ai dit, est fameux dans ce pays-ci à cause de la quantité de personnes qui y ont péri.
La plus connue de ces victimes est un seigneur de Limeuil du siècle dernier, qui y fut précipité par quelques uns de ses vassaux, las de ses barbaries.

Les voisins font des vœux pour que ce trou soit bouché ; mais on pourrait du moins éviter les accidents involontaires en couvrant l’entrée par des planches ou de la maçonnerie sur soliveaux de traverse“.
Pour prévenir de nouveaux malheurs, on essaya vainement de combler le gouffre, véritable tonneau des Danaïdes, dans lequel des tombereaux de pierre succédèrent aux tombereaux de pierre, pendant plusieurs jours, sans résultat notable...

La population locale décida alors de boucher l’orifice par une première voûte reposant sur des troncs d’arbres et de la terre rapportée. Celle-ci ne tînt pas, de même qu’une seconde sans doute mal étayée. C’est ici qu’intervint Jean-Baptiste-Louis Pélissier de Barry, juge royal du Bugue, dont le fils, jeune homme, avocat comme son père, avait guidé la visite de F. de Paule Latapie en 1778. Après avoir fait transformer l’étroit sentier dangereux qui bordait le Cingle en large chemin plus commode et approprié aux transports en pleine expansion, M. de Barry poursuivant son œuvre de bienfaisance, vint mettre fin à la terreur qu’inspirait ce “solfatare“, en fermant son cratère au moyen de voûtes superposées solidement maçonnées.

Il faut savoir que M. de Barry, pour mener à bien ces travaux malaisés, eut l’idée de donner le gîte et le couvert à tous les clochards qui évoluaient dans la région, en échange de leurs services. Ce n’était là, en fait, qu’un avant-goût des T.U.C. que nous avons connu récemment !
Mais, malgré les efforts de tous, rapidement la nature reprit ses droits, effaçant toutes traces. Seules une croix en bois vermoulu, indiqua quelques temps la proximité du gouffre et les drames qu’il avait traversé.